Pénaliser les médecins qui délivrent à des femmes des « certificats de virginité » ? La mesure devrait figurer dans le futur projet de loi sur les séparatismes, qui doit être présenté d’ici à la fin de l’année par le gouvernement. L’annonce, faite par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, et la ministre déléguée à la citoyenneté, Marlène Schiappa, dans un entretien au Parisien le 6 septembre, a pris de court les professionnels de santé, pourtant directement concernés. Quelles sanctions encourront-ils, et sur la base de quel délit ? Une semaine après les déclarations politiques des ministres, les contours de cette mesure « en train d’être affinée juridiquement » sont encore flous.
Au-delà de la mise en musique d’une telle pénalisation, à quelle réalité de terrain cette volonté politique répond-elle ? Combien de certificats de virginité sont délivrés chaque année ? Qui en fait la demande ? « Par définition, il y a peu de chiffres existants à ce sujet car la grande partie est souterraine. Mais chaque année, plusieurs cas sont révélés », fait savoir le ministère de l’intérieur.
L’entourage de Marlène Schiappa revendique travailler sur ce sujet « depuis des mois ». « On a commencé quand la ministre était encore au secrétariat d’Etat chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes », précise son cabinet, qui « assume de mener ce combat pour la fin des certificats de virginité, comme on l’a fait pour l’excision », et affirme avoir consulté dans cette optique « des médecins, des sages-femmes, des jeunes filles ».
« Demandes religieuses »
En 2003, le conseil national de l’ordre des médecins s’était saisi de la question et avait recommandé de « refuser l’examen et la rédaction d’un tel certificat (…) n’ayant aucune justification médicale et constituant une violation du respect de la personnalité et de l’intimité de la jeune femme (notamment mineure) contrainte par son entourage de s’y soumettre ». Depuis, aucune évaluation n’a été menée qui permettrait de qualifier et de quantifier le phénomène.
« Ce sont des cas extrêmement rares mais ça existe, avec plus ou moins de demandes selon le lieu d’exercice, et essentiellement des demandes religieuses », estime Joëlle Belaisch-Allart, la présidente élue du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, favorable à la pénalisation proposée par le gouvernement. « Il n’y a aucune raison d’exiger que la femme soit vierge au mariage, c’est une pratique d’un autre temps, une violence contre les femmes qui ne doit plus exister », énonce-t-elle. « A titre personnel », elle estime toutefois qu’au-delà de la pénalisation des médecins, « ce qui ne devrait pas exister, et éventuellement être pénalisé, c’est la demande ».
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